Tatouage Nantes:L’inspiration à fleur de peau
C’est selon.. Les opinions se professent haut et clair eu timides et dissimulées. Selon le tempérament. Les unes sur un torse avenant, les autres camouflées sous une plante de pied des plus discrètes. Peur qui ne craint pas d’afficher ses convictions – même intimes le tatouage – jusque dans les coins les plus reculés de l’individu – se présente comme la force tranquille et muette de t’éloquence. S’offre ainsi à chacun le droit de porter la mort au bras gauche, la rose sur sen sein socialiste, le scorpion à la hanche ou Jésus reposant sur une poitrine complice: Toutes aventures désormais accessibles à Nantes où vient de s’Installer un M. TARZAN ( c’ est un pseudonyme) dont la profession fait déjà frémi r plus d’un épiderme : tatoueur. In English « tattoo » comme chantent les Rolling Stones dans leur dernier 33 tours, toujours aussi au fait des modes un tantinet parallèles.
Dans son petit commerce de la rue de la Claverie, c’est lui le Grand Illustrateur, chargé d’Imager à fleur de peau les idées qui courent le siècle. • Pourquoi les gens viennent? En général, ils ne savent pas vraiment pourquoi Ils se font tatouer. Chacun accorde la signification qu’il veut bien à son dessin. L’époque aidant, on ne s’étonnera pourtant pas de voir les petits bateaux céder le pas et les avant-bras à d’autres motifs d’inspiration plus ténébreuse.
« Oui, c’est vrai la science-fiction est à la mode. Frappée par la désespérance moderne, la petite fleur bleue, effeuillée à tous les romantismes, vient de se faner. Place à la tête de mort. Dans ce vocabulaire à un million huit cent mille chômeurs, l’union du poignard et du serpent traduit la vengeance. L’hirondelle, un cœur volage. Le bateau, l’évasion. Et le loup? «La marginalité, par rapport à une certaine société où Il est difficile de conserver sa propre identité »La politique est entrée chez Tarzan par la grande porte , celle qui ne s’ouvre qu’à la crise de civilisation.
L’aigle, la panthère et Jésus
Dans ce magasin : fauteuil, lampe, transistor sur l’Europe et drôle de bruit de roulette de dentiste – la solidarité s’écrit à même la peau. « C’est vrai que les tatoués aiment bien se retrouver ici », reconnait un habitué, «II se passe effectivement quelque chose. Dans la grande famille des anatomies Imprimées, on se reconnait en demi-teintes. Tarzan connaît un bon exemple de la discrétion du tatoué : « J’ai connu un type qui travaillait aux Impôts à Rennes. La journée, Il était en costume trois pièces. Rien ne se voyait des tatouages qu’il avait partout sur le corps, sauf sur les mains et le visage. Je ne sais même pas si sa belle-mère était au courant, » ils se compteraient en effet par milliers, ces passants anonymes, enrichis, l’air de rien, d’un petit canard bleu sur le mollet ou d’une souris en bas de l’aisselle. Ils en sont peut-être, de cette franc-maçonnerie intime, le gardien de la paix du carrefour, l’employé de banque, le chef couleur reproches, le gardien de square ou la voisine de palier.
Tous clients chez Tarzan : « Bonjour, je voudrais me faire refaire l’étoile que j’ai sur le pied ». « Jésus, c’est combien ?» « Il faut compter 500 F ». « Il ne marche pas mal en ce moment ». Pour flatter l’inspiration, un coup d’œil aux murs de I’ échoppe suffit. Il y a là l’aigle et le cœur qui saigne, le cobra et Mickey, la panthère notre et l’ancre marine, l’île. Déserte et la faux de la mort encore plus cadavérique que nature, gavroche et d’effrayants dragons. L’amour, la peur, la lutte, l’espoir. La vie.
Un trois-mâts sur la fesse
Tarzan joue de tout cela avec une sorte de pistolet : «C’est une machine à tatouer. Le tracé que j’exécute à partir ‘de modèles donne en général un peu plus de mal que les couleurs. C’est du piquage. L’encre est aspirée et rejetée:Son coup de patte? « J’ai appris mon métier à New York. Il faut vous dire que je suis un ancien marin de commerce. Je suis devenu tatoueur après avoir été tatoué. J’ai tatoué la moitié des six cents habitants de Miquelon. Dans les villes· portuaires, ça marche très bien, J’étals à Lorient avant de venir à Nantes. Ici, Il fallait que les gars montent à Paris. En France, nous ne sommes pas plus de dix à exercer ce métier.
Son plus proche confrère tient commerce à Brest. Son plus croustillant souvenir habite Saint-Pierre, département français d’outre-Atlantique : « Un soir, un officier de la marine nationale française- Il présentait fort bien – est venu me voir pour se faire mettre un trois-mâts sur la fesse. Il avait perdu un pari d’ivrognes. »» Vous ne lui en ferez pas confesser davantage sur les mœurs cachées de l’internationale Tatouée. La collection complète de « la petite bedaine illustrée. Demeure interdite à certains jeunes regards. Ceux sur qui on se retourne sur la plage ou à la piscine, qui laissent dépasser une queue de dragon de l’échancrure de leur chemise ou gardent au cœur le « ni Dieu ni maître » , de leurs 18 ans, tous ceux-là trouvent le tatouage unanimes « beau » . « Je suis sûr que beaucoup de Français, les jeunes surtout, sont tatoués », ‘ Mais ce n’est peut-être pas encore complètement entré dans les mœurs. Dites bien qu’II ne faut pas avoir peur, que ça vaut le coup. • Pour en être persuadé, il suffit de demander à Tarzan de tourner les talons. Il a un dos à 500 .000 anciens francs. Quinze jours de travail à raison de trois ou quatre heures par jour. Le temps de remettre sa chemise et une dame lui demande pour demain un petit oiseau sur la hanche. .
J.J. POTIRON